Bernard Noël
Matisse
Autoportraits d’Henri Matisse.
Matisse s’en tiendra là, toujours, s’en tiendra au beau, au calme, au voluptueux, au parfait, quitte à s’entendre dire : «Matisse, ce n’est que ça !» Ses tableaux peuvent être regardés avec «bonheur» parce qu’ils entraînent le regard dans un plaisir qui ne suscite pas d’interrogation : tout y paraît facilement fait. Le comble de l’art, une fois au moins dans l’histoire, aura été cette facilité apparente, qui n’appelle aucune médiation parce qu’elle semble ne rien cacher. Dès qu’on étudie Matisse, on devine la longue réflexion, le travail ; dès qu’on le regarde, on les oublie. Et l’étude confirme que Matisse a voulu cet oubli libérateur.
Après Gustave Moreau (réédité par nos soins en 2025), Bernard Noël poursuit, avec Matisse, son exploration des noces secrètes entre perception, langage et présence. Le passage entre ces peintres était déjà inscrit dans la phrase que le premier adressa au second : «Vous allez simplifier la peinture…». Suivant les étapes de l’œuvre et les mots qui bordent celles-ci, Noël s’attache ici à une peinture qui, peu à peu, se dépouille du visible pour mieux laisser affleurer la clarté d’une vision intérieure. Chez Matisse, la forme et la couleur cessent de décrire : elles rayonnent, délestées de toute anecdote superficielle, tendues vers un équilibre lumineux. Cette quête d’allégement, portée à son sommet dans la chapelle de Vence, devient pour l’écrivain une interrogation aiguë, fidèle à sa langue : comment éléver la sensation en pensée, la couleur en souffle ? Pour accéder à cet espace où le visible bascule vers l’invisible, avec la lumière pour seuil, le peintre doit se libérer de sa tête : espace mental et monde réel doivent enfin coïncider dans l’extase, «un lieu dont le luxe est en nous, et non dans quelque paradis ou quelque lendemain».
ISBN : 978.2.37792.198.0
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500 exemplaires sur vélin du Cateau-Cambrésis.
16 euros.

